Mimines et Peinturlures, la naissance d’un spectacle

Créer un spectacle, ça prends du temps, beaucoup de temps.

Pour créer un spectacle « solo », il faut du monde, beaucoup de monde.

Tout commence par une envie, une idée.

En 2019, mon amie Monique Le Berrigaud, bénévole à Il Etait Une Fois, annonce qu’elle arrêtera bientôt de conter, pour raison de santé. Dans l’association, elle est la spécialiste des contes pour les tout-petits, les moins de trois ans. Je suis étonnée : les bébés écoutent des histoires en étant aussi jeunes ? Bien sûr m’assure-t-elle. Par contre, ils sont « cash » : si l’histoire ne les intéresse pas, ils te le font vite savoir. Les bébés n’ont pas la politesse de faire semblant d’écouter si ça ne leur plaît pas. Monique m’invite à venir voir sa toute dernière prestation, avant de ranger définitivement son sac à histoires. Je la retrouve donc fin juin 2019 au Festival de littérature jeunesse de Doëlan, « Rêve d’océan ». Je suis impressionnée par le calme qui règne dans le public composé d’une dizaine de bébés accompagnés de leurs familles. Ils sont si attentifs. A la fin de cette dernière fois, elle demande « tu me succèdes ? ». Voilà un sacré défi, que j’ai relevé.

Monique Le Berrigaud à son dernier spectacle, à Doëlan, juin 2019.
La collection de gants de Monique, que les enfants peuvent regarder en fin de spectacle.

Accompagnée de Pascale et Jeannick, également bénévoles à Il Etait Une Fois, nous nous initions auprès de Monique à l’art hautement exigeant de conter aux tout-petits. Monique nous montre ses histoires, illustrées par toutes sortes de gants qu’elle a adaptés elle-même. Elle déclare qu’on peut prendre ses contes, car de toute façon, aucune histoire n’appartient à personne, mais qu’elle garde pour elle l’idée des gants. Alors, je me dis que je me peindrai les mains.

Ca se poursuit par une pandémie…

Je m’entraîne assidûment avec Jeannick et Pascale pour que notre spectacle soit prêt pour l’édition 2020 du festival de Doëlan, fin juin. Comment mettre en application cette idée de se peindre les mains ? Est-ce réalisable ? Les écueils se révèlent nombreux.

Et puis, une pandémie à confinement est passée par là : le festival est annulé. Je vais vous avouer que ça m’a soulagée, car je nous voyais difficilement prêtes à cette échéance. Nous avons donc eu une année supplémentaire pour nous préparer, et ce n’était pas du luxe !

Le festival Rêve d’océan a finalement eu lieu en juin 2021. Jeannick, Pascale et moi-même étions fin prêtes : nous avions cherché plein d’histoires, suivi les conseils de Monique, répété encore et encore…et le résultat était top. Nous étions stressées de découvrir notre nouveau public, si jeune, si exigeant…et tellement choubidou !

Ca s’est si bien passé que nous avons rempilé pour l’année suivante, avec de nouvelles histoires, de nouvelles chansons…de nouvelles peinturlures en ce qui me concernait, car mes acolytes préféraient la couture ou la guitare. Mon répertoire s’enrichit…au point que j’ai maintenant assez d’histoires pour monter un spectacle solo.

Répétition de Petit Jaune et Petit Bleu, avec Jeannick, pour Doëlan 2021

Etre seule mais bien entourée..

Travailler seule à la maison, c’est difficile.

Heureusement, il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rencontres. Voilà qu’un soir, je fais la connaissance de ma voisine de siège lors d’un concert à la salle du City, à Lorient. Cette voisine, Nadine, n’est autre que la secrétaire de l’association qui gère le City. Je lui parle de mon métier de conteuse. Elle me conseille de demander une résidence d’artiste à l’association Plateau en Toute Liberté. Judicieux conseil que j’ai suivi. Merci Nadine !

Je rentre en résidence artistique le lundi 16 janvier 2023, jusqu’au vendredi suivant. Jusque là, je n’avais dit mes contes qu’en partageant la scène avec Pascale et Jeannick. J’avais une histoire par ci, une histoire par là. Il m’a fallut réorganiser le fil rouge de toutes mes histoires, les lier. Parfois nous contions une histoire à deux voix. Comment raconter seule ce que nous faisions à deux ou trois ? Le cerveau a turlupiné, farfouillé parmi mille idées, essayé, réessayé. Oups, il faudrait une petite chanson ici : à moi de l’inventer…chercher un rythme et une mélodie, trouver des paroles, des sonorités qui s’accordent. Je répète encore et encore. Je déplace telle histoire, ha non, c’était mieux avant. Je corrige. Ça cogite et ça prend forme. Qu’est-ce qui est en trop ? Que manque-t-il ?

Il manque l’éclairage. Pat, le technicien « lumière » de Plateau en Toute Liberté m’explique les rudiments de son art, celui de mettre un spectacle en valeur par quelques projecteurs judicieusement placés, allumés au bon moment à l’intensité requise, avec la bonne couleur. C’est technique, c’est passionnant. Merci Pat.

Puis c’est Jo Joubel qui m’apporte son éclairage de metteur en scène. Il regarde un filage de Mimines et Peinturlures, m’apporte un ou deux conseils, avec beaucoup de délicatesse. Merci Jo.

Parallèlement, je prépare le spectacle qui clôturera cette semaine de résidence artistique, et de travail intense, prévu le vendredi 20 janvier 2023 à 17h. Spectacle donné en présence du public auquel il est destiné : les bébés. Je contacte les acteurs (ou plutôt les actrices) de la petite enfance sur Lorient, crèches et nounous. « Tintinabulle » accueille des bébés à 200m du City : des parents viendront voir mon spectacle avec leurs progénitures. En échange, il leur sera demandé de noter leurs impressions, et leurs éventuels conseils. D’un autre côté, je contacte mon voisin et ami, Pierre, vidéaste et directeur du petit studio Grand Duc, afin que cette avant-première soit filmée.

Le jour J arrive. Inutile de préciser à quel point j’avais le trac. Et en même temps, j’avais tellement travaillé, répété et tout préparé que je me disais que ça ne pouvait que bien se passer…petite phrase pour me rassurer. Nadine accueille le public. Parents, nounous et enfants de tous âges s’installent. Les néons s’éteignent, les projecteurs sont déjà allumés. Je rentre en scène…

Mimines et Peinturlures : spectacle de fin de résidence au City, le vendredi 20 janvier 2023

Trente minutes plus tard, les derniers applaudissements résonnent. Les familles quittent la salle les unes après les autres. À leur sortie, les petits papiers se déposent dans l’urne : autant d’avis pour me permettre d’ajuster mon spectacle. Ce qui a plu. Ce qu’il faudrait modifier, car un spectacle de conte n’est jamais figé et reste toujours perfectible. Voici quelques phrases recueillies :

« Tout le monde rêve de se peindre les mains, et vous, vous le faites ! », « Spectacle très mignon. Les enfants étaient attentifs. Le fait de jouer avec la peinture a plu au petit garçon que j’ai en garde », « Super spectacle. Les enfants étaient captivés. », « Merci pour ce spectacles coloré, musical, agréable à écouter et regarder », « Gentilles histoires. A renouveler. Merci et bravo. »

Merci à tous ces bébés pour leur attention si fragile. Merci à leurs grands frères, grandes soeurs, parents, grands-parents et nounous pour leur intérêt, leurs avis, conseils et encouragements.

Il reste encore à préparer la vidéo avec les Studios Grand Duc. Le montage est encore en cours au moment où j’écris ces lignes…bientôt, bientôt. Merci Pierre et Maxime pour tout le travail accompli, et qu’il reste encore à faire. Il me reste encore à remercier Sylviane pour la conception de l’affiche et du papillon (ou flyer, en franglais).

Ensuite, il restera à faire connaître ce spectacle nouvellement né, à le faire programmer dans des salles, des RAM, des festivals… Merci enfin aux personnes qui programmeront Mimines et Peinturlures. À suivre.

Une balade contée particulière, avec mes invités.

Dernièrement, j’ai réalisé un projet qui me tenait à coeur depuis que je propose des balades contées. Il s’agissait d’y faire participer mes deux poneys, Pitchoun et Tom-Pouce.

En plus de mon activité de conteuse, je propose aussi des méditations avec les chevaux. https://cheval-emotions.fr/

Mes poneys habitent habituellement à Kervignac, mais deux ou trois semaines par an, ils viennent en villégiature à Hennebont, dans le parc municipal du Merdy…où je fais aussi mes balades contées.

Mais il m’est difficile de conter tout en veillant à la sécurité des poneys et du public qui les accompagne. Bref, j’attendais l’occasion où un.e ami.e conteur.se participerait à une de mes balades dans le Bois du Merdy, à une période où les poneys y seraient aussi. Si cet.te ami.e accepte de conter à ma place, alors je pourrais gérer mes compagnons sabotés pendant la promenade.

Et bien ce jour là, samedi 20 février 2021, les planètes se sont alignées comme il fallait pour que cette conjoncture se présente. Et c’est ainsi que le public présent ce jour là a découvert ces invités surprises, amateurs d’herbe et de caresses. Petits et grands en étaient enchantés.

J’ai guidé tout ce beau monde à travers bois : poneys, public et conteur.se. Pendant ce temps, les contes sortaient des bouches de Sylviane et d’Yves. Merci à eux…

Salut Lulu !

Lucien Gourong en avait assez de voir les bistrots fermés. L’Ankoù l’a invité à venir boire un verre : il a accepté, et Lulu s’en est allé.

Lucien Gourong est un des derniers conteurs traditionnels locaux. Il racontait les histoires de son père et de sa « Meumé », des tranches de vie d’autrefois de la vie des Groisillons (les habitants de l’île de Groix où il était né)…des anecdotes, des contes traditionnels, des chansons, son répertoire était varié et authentique, tantôt dramatique, tantôt drôle.

Je l’ai vu en spectacle, avec mes parents quand j’étais petite. Mon frère avait même acheté deux de ses disques de contes (des vinyles, 33 tours), qu’il a toujours. Et j’étais encore allée l’écouter au Festival Interceltique il n’y a pas si longtemps : ce conteur avait déjà plus de 70 ans au compteur. Aucun doute, qu’il a contribué à mon intérêt pour le conte, et pour le métier que j’exerce aujourd’hui. J’ai d’ailleurs quelques-uns de ses livres dans ma bibliothèque.

Il était encore en train de préparer un nouveau spectacle, qui ne verra jamais le jour. Bon vivant, et débordant d’énergie, il ne s’arrêtait jamais, même avec une jambe plâtrée !

Parmi les disques de mon frère, j’aimais particulièrement écouter celui des « veillées mortuaires », qu’est-ce qu’on rigolait en l’écoutant ! En voici un petit extrait : https://www.youtube.com/watch?v=ALv92po9_g8

Les funérailles ne sont plus ce qu’elles étaient, Brassens le regrettait déjà en 1960. Ca ne s’est pas arrangé avec le covid…qui d’ailleurs est le grand coupable de cette disparition. C’est toujours triste, pour les proches, et pour tous ceux qui appréciaient son travail. La meilleure chose qu’il nous reste à faire, c’est de boire un coup en sa mémoire !

Salut Lulu…

Le conteur groisillon, poète, diseur de songes, s’en est allé à l’âge de 77 ans. Emporté par le Covid.

Une mentouse en bronze

« 44e Bogue d’Or de Redon », concours de menterie.

Après avoir passé les présélections, ma menterie a été retenue parmi 57 histoires, pour la finale le 25 octobre 2019. Le thème imposé cette année : « vous êtes maire d’une commune dont vous présentez les mesures entreprises et projets à venir pour dynamiser le centre-bourg. »
Le principe d’une menterie, c’est de nager en plein délire : plus les bobards sont gros, plus c’est drôle, et plus la menterie est réussie. En pays gallo, les spécialistes de ce type d’histoires sont des « mentous », ou des « mentouses ».

Ma menterie est partie sur l’idée que face à la désertification des campagnes, mon conseil municipal a eu l’idée de transformer l’église (devenue inutile depuis le départ du curé) en éolienne, afin de fournir une électricité bon marcher aux habitants, et inciter d’autres à venir s’y installer. Mais problème à la livraison de l’éolienne : les pales sont plus longues que la hauteur du clocher…problème résolu en les installant à l’horizontale. Le vent a soufflé ; l’éolienne a tourné, et l’église s’est…envolée !!!


Et me voilà partie à raconter les péripéties de cette petite commune, devenue la première au monde à être dotée d’une « égliz’coptère » ! Une curiosité soumise aux caprices du vent…avec moultes catastrophes à gérer pour la maire que j’étais le temps de cette menterie…mais le but est atteint : redynamiser le bourg.

L’autre but a été atteint aussi : on a bien rigolé ! C’était une excellente soirée…animée par Calixe et Armel.

Si le concours de menteries existe depuis longtemps à Redon, pour la première fois, les membres du jury furent choisi parmi des experts en matière de « menteries municipales » : 5 maires du pays gallo m’ont attribué la Bogue de Bronze.

La soirée a aussi été marquée par un hommage à une figure locale, décédée en mars dernier. Gigi Bigot a conté en gallo…un privilège toujours aussi savoureux.

Education par le conte (vidéo du CNRS)

Devenir pleinement humain : apprendre à écouter, à s’exprimer, et à raisonner. Vidéo du CNRS sur Suzy PLATIEL, ethno-linguiste africaniste. Comment les enfants deviennent-ils Adultes dans les sociétés de tradition orale (sans aucun écrit) ? Comment recréer du lien social grâce à l’oralité des contes dans notre société ?

J’ai vu cette vidéo. Non, je dirais plutôt : j’ai vu cette pépite ! J’ai écouté cette perle ! Ecoutons, méditons, et partageons… « une seule bougie peut en allumer des milliers d’autres, et continuer à brûler, sans devoir s’éteindre d’avoir autant partagé sa flamme. » La Parole est ainsi, les contes sont ainsi, comme les flammes d’innombrables bougies, placées sur notre chemin de vie pour éclairer notre passage. Cette vidéo est une réponse à cette question incroyable : « pourquoi le conte reste-t-il encore si important dans notre société numérique, individualiste et productiviste ? » On pourrait le croire puérile, futile et inutile…il est essentiel et d’autant plus d’actualité, pour créer du lien social entre chacun d’autre nous, mais aussi « entre soi et Soi ».

Suzy Platiel, en tant que linguiste, part en 1967 à la rencontre d’un peuple de Haute Volta (devenu depuis le Burkina Fasso), les Sanan. Sa mission : transcrire leur langue par écrit. Chez les Sanan, personne ne sait ni lire, ni écrire. C’est ce qu’on appelle « une société de tradition exclusivement orale ». Dès son arrivée, elle comprend que l’écriture ne leur apportera rien en matière d’éducation. Ces analphabètes savent réfléchir et s’exprimer brillamment…dès le plus jeune âge. Comment apprennent-ils cela si bien et si jeune ? L’éducation se fait par les contes : à écouter et à dire.

De retour en France, elle publie les contes collectés là-bas. Elle se rend dans les écoles pour permettre aux enfants d’acquérir ce qu’il manque tant dans notre propre éducation basée sur l’écriture : apprendre à se concentrer, à écouter, à raisonner sur l’enchaînement d’une trame, et bien sur, à prendre la parole, à exprimer sa pensée, à être écouté, à créer et partager les oeuvres collectives que sont les contes, à interagir avec l’auditoire… « comment un enfant peut-il écrire correctement, s’il n’est pas capable de formuler verbalement sa pensée ? » La Parole est le préalable indispensable à tout le reste…

Bon visionnage…(environ 30 minutes…d’une richesse fantastique !)

https://videotheque.cnrs.fr/doc=4095?fbclid=IwAR3yRKKyVuTKV-7a5fzMsJ1aqRqjg5t5v6Q1eTX6jfDUcHIV-NDfSbGt_RY %

Voeux 2019

L’avez-vous remarqué ? Chaque année, on célèbre en grande pompe la naissance de la nouvelle année. Mais l’année 2018 est « mourrue » le jour de son anniversaire, à tout pile un an…anniversaire que personne ne lui a souhaité. On ne fête que sa fin, et la naissance de la suivante…comme à chaque fois.

2018 n’est plus, vive 2019 !

C’est la saison des bilans de l’année. Mon bilan de 2018 est plein de bonheurs : un changement de métier salutaire s’est produit. Tant et tant de plaisirs pour moi d’organiser et accomplir toutes ces racontées, ces balades contées. Je termine tout juste la dernière balade contée nocturne de Noël, c’était tout à l’heure au Bois du Merdy (Hennebont). Une trentaine de personnes sont venues marcher, écouter les histoires et chanter…les enfants ont escaladé les rochers du Merdy en écoutant le conte de Noël « Les Pierres de Plouhinec », ils ont marché dans le bois la nuit, après avoir entendu l’histoire de « La Trève de Noël », où Petit Mouton se perd dans la forêt, la nuit de Noël…et y rencontre le loup. Que des plaisirs partagés…le plaisir de dire les contes, celui de les écouter, celui de marcher ensemble, de discuter et faire connaissance, de chanter « Vive le vent » ou « Douce Nuit ». Merci à tous pour ces instants…

Et que souhaiter pour 2019 ? La santé, évidemment…j’ai rendu visite dernièrement à plusieurs amies-amis ayant eu divers ennuis de santé plus ou moins graves : cancer, fracture, infarctus…et dans quelques jours, je vais à un enterrement…celui d’une grande conteuse que j’ai rencontrée en juillet dernier pour la première fois (et donc, pour la dernière aussi, hélas) : Fiona MacLeod.

Inspirée par ce site web et sa phrase d’accueil : « Le jour se lève au Pays des Rêves », je vous présente mes voeux pour 2019, illustrés par une photo prise ce matin même aux alignements de menhir de Kerzerho, à Erdeven.

 

Que mille levers de Soleil illuminent vos rêves à concrétiser en 2019.

 

 

Contes et Sciences

Ce week-end, j’ai reçu un courriel de François sur l’Imagination et la Raison. Ca m’a rappelé que j’avais écrit un article il y a quelques mois déjà sur l’apparente opposition entre la Science et le Conte, après avoir lu un petit livre scientifique, très intéressant, qu’une amie conteuse m’avait prêté…

Carlo ROVELLI, « Sept brèves leçons de physique », Editions Odile Jacob.

Merci à Sylviane Guittoneau de m’avoir prêté cet excellent petit livre dont voici un extrait (page 79) :

« Lorsque nous parlons du Big-Bang ou de la structure de l’espace, ce que nous faisons n’est pas la continuation des récits libres et fantastiques que les hommes se sont racontés autour du feu lors de veillées depuis des centaines de milliers d’années. C’est la continuation d’autre chose : du regard de ces mêmes hommes, aux premières lueurs de l’aube, qui cherchent dans la poussière de la savane les traces d’une antilope – scruter les détails de la réalité pour en déduire ce que nous ne voyons pas directement, mais dont nous pouvons suivre les traces. Avec la conscience que nous pouvons toujours nous tromper, et donc être prêts à tout instant à changer d’idée si apparaît une nouvelle trace, mais en sachant aussi que si nous sommes bons, nous comprendrons bien et nous trouverons. Voilà ce qu’est la science.

La confusion entre ces deux différentes activités humaines – inventer des récits et suivre des traces pour trouver quelque chose – est à l’origine de l’incompréhension et de la défiance envers la science d’une partie de la culture contemporaine. La séparation est mince : l’antilope chassée à l’aube n’est pas loin du dieu antilope des récits de la veillée. La frontière est fragile. Les mythes se nourrissent de science et la science se nourrit de mythes. Mais la valeur cognitive du savoir demeure : si nous trouvons l’antilope, nous pouvons manger. » (Carlo ROVELLI est notamment directeur de recherche au Centre de physique théorique de Marseille-Luminy)

Très beau texte, n’est-ce pas ? Les scientifiques aussi peuvent avoir une belle plume.

Et je suis d’accord avec Monsieur Rovelli : « les mythes se nourrissent de science et la science se nourrit de mythes »… « la séparation est mince ». Mais j’irais plus loin, j’oserais même dire qu’il n’y a pas de séparation entre les deux.

Monsieur Rovelli, avez-vous déjà mangé une étoile ? Peut-on manger les étoiles ? Les antilopes, oui. Mais si mon ventre cri famine, vais-je pouvoir me nourrir d’étoiles ? Comment se déroule une chasse stellaire ? Et une fois l’étoile capturée, comment la tuer ? Quel goût ça a ? Trouve-t-on des recettes culinaro-stellaires sur le web ? Des restaurants (étoilés) en proposent-il à leurs menus ?

Il est tout à fait possible de se nourrir d’étoiles. Personnellement, en tout cas, je préfère largement dévorer l’une d’entre elles plutôt qu’un steack d’antilope. Le steack remplit l’estomac. Les étoiles nourrissent le Coeur. Ce n’est pas le même organe…

A la Réunion, les contes sont appelés « manger pour coeur », et l’ex(cellente) conteuse Gigi Bigot en a même fait le titre de sa recherche (scientifique) à propos de l’impact du langage symbolique sur les personnes en situation précaire.

Les Etoiles nourrissent les Rêves…

Et les Rêves sont indispensables à notre Humanité.

La science a démontré que les animaux rêvaient pendant leur sommeil. Mais rêvent-ils éveillés, comme nous ? Rêvent-ils de devenir un champion, un roi ou un cosmonaute ? Se racontent-ils des histoires le soir avant de s’endormir, pour nourrir leurs rêves nocturnes ?

Depuis longtemps, les humains cherchent « quel est le propre de l’homme ?». Et à chaque proposition les animaux nous montrent qu’ils ont les mêmes particularités que nous, parfois en mieux ! Ils rient. Ils chantent. Ils créent des oeuvres artistiques. Ils ont des langages très sophistiqués. Ils ressentent les mêmes émotions que nous, avec la même richesse. Ils ressentent les souffrances et le bien-être, même si leur système nerveux est très différent du nôtre. Ils sont capables d’avoir conscience d’eux-mêmes, de méditer, de pratiquer des rites funéraires et d’avoir des raisonnements abstraits ! Ils sont même capables de viols collectifs et de génocides…

Mais peut-être que le propre de l’Humanité serait cette capacité à partager nos rêves à travers des récits. Peut-être ? Car les animaux seraient bien capables de nous démontrer qu’ils le font aussi, et même mieux que nous !

En réalité d’où viennent les contes ?

Tous les contes, sans exception, tous sont inspirés de faits réels, d’observations, ils « suivent des traces » comme le dit si bien Monsieur Rovelli en parlant de la science. Les contes seraient apparus pour répondre aux questions existentielles que se sont posés les premiers humains : d’où venons-nous ? Et d’où vient tout ce qui nous entoure ? Les premiers contes expliquaient le monde, grâce aux observations des premiers humains. C’est finalement une démarche totalement scientifique que d’expliquer le monde, en inventant une histoire. On observe des étoiles dans le ciel : comment sont-elles arrivées là ? De quoi sont-elles faites ? Sont-elles vivantes comme nous ?

Les littératures orales traditionnelles sont d’une richesse ahurissante concernant l’apparition de la Lumière, l’origine du Soleil, de la Lune et, bien sûr, des Etoiles. Toutes les civilisations humaines ont leur version…il y en aurait une infinité !

Ces contes sont dits « étiologiques ». L’étiologie est bel et bien une science ! Selon mon dictionnaire (Petit Larousse), du grec aitia (cause) et logos (science). « C’est l’explication des causes, des origines et des significations d’un phénomène naturel, d’un nom, d’une institution, d’une maladie, etc…en s’appuyant sur certains faits réels, ou éventuellement mystiques ».

Lorsque l’état des connaissances ne permet pas de tout bien expliquer, les mythes complètent ces lacunes pour rendre l’ensemble cohérent. Puis au fil des siècles, les progrès scientifiques ont comblé ces lacunes, démystifiant bien des convictions. Les mythes sont ce que la science n’a pas encore expliqué. Mais la science est loin d’avoir tout expliqué. Les frontières de la connaissance progressent quotidiennement. Mais toujours, il reste des questions à se poser pour aller plus loin, de façon exponentielle : une question résolue en apporte 10 autres encore plus insolubles ! Et en attendant que tout soit complètement expliqué et compris, l’Univers conserve sa part de mystère. Il garde quelque chose de mystique au fond de Lui. Il est même très possible que jamais la Science ne réussira à tout expliquer. Elle devra donc éternellement côtoyer les mythes…car « les mythes se nourrissent de science et la science se nourrit de mythes ». CQFD…

Je m’arrête là ? Allez, un petit bonus.

Dans ce petit livre, Monsieur Rovelli retrace bien l’évolution des croyances concernant la perception du monde qui nous entoure.

Au début, la Terre était en bas et le Ciel était en haut, la Terre étant plate. Puis les Humain ont compris que la Terre est ronde, et que le Ciel l’entoure, avec la Lune, le Soleil et les Etoiles qui tournent autour. Ensuite, l’égocentrisme humain a pris une claque en comprenant que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil, et non l’inverse ; le Soleil tourne au sein de la Voie Lactée, elle-même n’étant qu’une galaxie parmi une myriade d’autres galaxies ! Et voilà maintenant qu’on apprend que le Cosmos n’est pas uniformément homogène, mais qu’il ondule, il forme des vagues…tout en gonflant comme un gâteau en pleine cuisson !

Tout le monde peut le constater : la Terre est en bas et le Ciel est en haut, à perte de vue, comme sur un plateau géant…on le voit avec nos yeux. Nos sens ne perçoivent pas la rontodité de la planète. Il a donc fallut de l’imagination pour concevoir cela. On a fait le tour du monde, on en a tracé des cartes en forme de globe terrestre, puis les humains ont pu aller dans l’Espace pour contempler la Terre dans toute sa rondeur : ce n’est que là, enfin, que certains ont pu voir de leurs propres yeux cette réalité. Les cosmonautes nous ont rapporté de superbes photos et vidéos (n’est-ce pas Thomas Pesquet ?). Les télescopes de plus en plus puissants et des appareils de mesures de plus en plus sophistiqués nous permettent de percevoir l’Univers d’une façon de plus en plus précise et lointaine à la fois. Mais malgré les photos, malgré tous ces savants calculs et toutes les théories qui se confirment ou s’infirment…à chaque fois, en plus, il en faut de l’Imagination pour concevoir l’Univers tel que les scientifiques nous le présentent.

Imaginez un gâteau qui gonfle pendant sa cuisson, tout en formant des vagues comme la mer…hum hum. L’Univers ainsi décrit ne requière-il pas autant d’imagination que lorsqu’on écoute un bon conte étiologique sur la naissance des Etoiles ?

Les scientifiques eux-mêmes se doivent d’avoir une bonne dose d’imagination pour élaborer leurs théories, concevoir leurs expériences et en interpréter les résultats.

Lorsqu’ils parlent du Big-bang ou de la structure de l’espace, ce qu’ils font est exactement la continuation des récits libres et fantastiques que les hommes se sont racontés autour du feu lors de veillées depuis des centaines de milliers d’années…depuis tout ce temps, nous n’avons toujours fait que suivre les traces de ce que nous réussissions à percevoir du monde dans lequel nous vivons. Grâce aux machines, nos moyens de perception se sont grandement améliorés. Mais l’Humain a gardé cette faculté essentielle : il nous reste l’Imagination pour continuer à suivre ces traces.

Les Contes nourrissent l’Imagination. Et l’Imagination nourrit la Science.

Bon appétit !

Il y a quoi au menu ? Des étoiles, évidemment !

Salade de contes, soupe d’étoiles, et en dessert, une mini-histoire que voici :

 

« Dans une prison, deux détenus sont assis cote-à-cote. Ensemble, ils regardent par la petite lucarne de leur cellule.

L’un pleure. L’autre sourit.

L’un regarde les barreaux. L’autre regarde les étoiles. »

Festival de Vassivière

Le Festival Paroles de Conteurs est le plus gros festival de contes en France. Il en est à sa 24e édition, du 18 au 26 août 2018. Plusieurs bonnes fées m’ont conseillé d’y aller, alors j’y suis allée. Et je n’ai pas regretté !

C’est un pays des Rêves où le jour se lève…

Tout d’abord, le lieu est enchanteur…ou enchanté peut-être ? Ca se passe sur une île au milieu d’un lac entouré de montagnes. C’est aussi un centre artistique et plusieurs oeuvres sont disséminées à demeure un peu partout sur l’île. C’est toujours une surprise d’en découvrir une au détour d’un sentier…

Si c’est un gros festival, l’ambiance y est tellement conviviale que ça ne se perçoit pas. Sur l’île, on se sent comme dans un cocon, un village où tout le monde semble se connaître depuis toujours. C’est ainsi que j’ai fait la connaissance de Pascal Fauliot, un conteur aussi chevronné que passionné. Pascal est aussi sympathique qu’érudit : un vrai bonheur de discuter avec lui. Je ne pouvais qu’aller le voir à son spectacle-fleuve, en 5 épisodes (un par jour), sur la grande épopée japonaise du Clan Heike, accompagné de deux excellents musiciens, Emiko et Julien.

Evidemment, je n’ai pas pu faire tout ce que je voulais, ni écouter tout ce qu’il y avait à écouter…il me faudra y retourner. Et tant qu’à faire, y conter…

Balade contée à Plouhinec du 25 juillet 2018

Le 25 juillet dernier, la balade contée en bord de Ria d’Etel fut un grand succès : pas moins d’une trentaine de personnes sont venues marcher, écouter et rêver ensemble ! Nous avons tremblé pour le « Gars de Montoire », nous avons remis des étoiles de mer à l’eau comme Fanch ar Fur (le Nasr Eddin breton), nous nous sommes reposés sur des rochers en écoutant les vagues nous raconter comment elles modèlent le paysage de la Barre d’Etel…

Au cimetière du Magouër, les bateaux ont leur vécu, celui devant lequel je suis s’appelle le Gars de Montoire : j’y raconte comment il a fait la guerre ! Ceci n’est pas un conte, mais une histoire dans l’Histoire.

 

Le conte dit que « Fanch ar Fur est sur la plage. Il ramasse des étoiles-de-mer et les jette à l’eau. Il y en a des dizaines, des centaines. Un ami passe par là et lui dit qu’il ne réussira jamais à toutes les sauver… »mais nous, nous étions trente personnes à le faire !

Nous nous sommes assis sur les « Pierres de Plouhinec » pour écouter comment Sainte Brigitte a créé la Barre d’Etel.

Merci à toutes les personnes venues écouter. Le public était aussi nombreux que qualiteux…et merci au Point I de Plouhinec pour son efficacité, car bon nombreux de ces personnes avaient eu connaissance de la promenade grâce au Point I.

 

 

Racontées de juin

Que de racontées en juin ! Je n’ai jamais autant conté de ma vie…et j’adore ça, même si ça prend parfois des allures de marathon !

Ce qui est étonnant, c’est qu’elles se suivent sans jamais se ressembler : un jour le public sera très jeune, et la fois suivante, ce seront surtout des adultes. Une fois, il y a tout un groupe de 30 ou 40 personnes, et celle d’après…le public ne se composera que de 3 ou 4 personnes !

Voici un florilèges de photos (pour les fois où j’en ai eues).

D’abord, aux Estivales d’Hennebont, le 13 juin : j’avais conté devant l’accueil pour qu’Erell (une des animatrice organisatrice de l’évènement) puisse écouter…tout en travaillant sur son ordinateur !

Le mercredi suivant, 20 juin, toujours aux Estivales, j’ai adopté mon lieu de racontée…sous un rafraîchissant cerisier !

(je ne tire pas la langue aux enfants ! Je lèche la maison de la sorcière avec Hänsel et Gretel ! Qui n’a jamais rêvé de grignoter un peu de sa maison en pain d’épice et en sucre !?!)

 

Ensuite, ce fut une balade contée…mais pas n’importe où : en Forêt de Huelgoat, s’il vous plait !

Et pas n’importe quand : à la nuit tombée…à la lueur des lampes à pétrole ! Dans la nuit du 23 juin…ce qui explique la qualité médiocre des photos.

Ni avec n’importe qui : avec Sylviane, et le Maître des lieux, Philippe…attention, la nuit, Philippe se transforme souvent en korrigan…ou en amoureux éploré cherchant vainement sa Promise depuis des siècles !

Sylviane…il fait encore jour.

Je conte…au crépuscule.

Et Philippe, à la nuit tombée…il est en haut à gauche de la photo, tu ne le vois pas ?

 

Et après ?

Encore une balade contée, une ! Et pas pour n’importe quelle occasion, s’il vous plaît : pour le Festival de Théâtre de Kerhervy. J’étais avec mes amis conteurs d’Il Etait Une Fois, association de conteurs amateurs de Lorient : Yann-Fanch, Anne-Marie, Paul et Thomas.

L’année dernière le public avait été plus nombreux. Cette année, la concurrence fut rude avec le match du mondial de foot où la France a gagné contre l’Argentine, le 30 juin…mais ceux qui sont venus se promener en forêt, et écouter toutes nos histoires ne l’ont pas regretté !

Voici le paysage avant la balade contée…et après que ça soit fini : même l’eau et les sternes (les oiseaux) se sont rapprochées pour mieux nous écouter !

  Avant la balade… et à notre retour, 2 heures après !

La semaine prochaine, je commence les balades contées à Plouhinec (Port du Magouër) et dans le Bois du Hingair (à Hennebont). Il y a en aura tous les mercredis matin et tous les vendredis matin, durant toute la durée des grandes vacances !

Alors, à bientôt !