Conte et laïcité

La France et la laïcité

En France, la laïcité est une valeur républicaine fondamentale depuis longtemps. En 1905, une loi énonce la séparation de l’État et de l’Église. Gouverner la France n’a rien à voir avec Dieu, et c’est sûrement très bien ainsi.

Ce principe de laïcité s’applique dans tous les établissements publics : mairies, médiathèques municipales, écoles publiques, centres socio-culturels, hôpitaux publics…

Une Charte de la Laïcité a été rédigée en 2013 pour expliquer cette valeur et la faire respecter dans ces lieux.

Dans cette Charte, il est écrit dans l’article 3 : « La laïcité garantit la liberté de conscience à tous. Chacun est libre de croire ou de ne pas croire. Elle permet la libre expression de ses convictions, dans le respect de celles d’autrui et dans la limite de l’ordre public. »

Article 9 : « La laïcité implique le rejet de toutes les violences et de toutes les discriminations. »

L’article 6 précise que le prosélytisme est interdit, notamment par le port de tenues vestimentaires manifestant ostensiblement une appartenance religieuse (article 14).

Enfin, l’article 12 : « Afin de garantir aux élèves l’ouverture la plus objective à la diversité des visions du monde ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs, aucun sujet n’est à exclure du questionnement scientifique et pédagogique. Aucun élève ne peut invoquer une conviction religieuse ou politique pour contester à un enseignant le droit de traiter une question. »

Voilà pour ce que dit cette Charte.

La laïcité des contes

Voici une anecdote qui m’est arrivée il y a quelques années.

Une médiathèque me demande un spectacle de contes de noël. Dans mon spectacle, il y a bien sûr d’incontournables contes de Papa Noël ; il y a aussi un de mes contes préférés car il est rattaché au terroir où j’ai grandi en Bretagne, « les Pierres de Plouhinec ». Et comme j’adore la culture japonaise, j’aime aussi beaucoup dire un conte traditionnel japonais sur le Nouvel An (les Japonais, et les Japonaises, ne fêtent pas noël. Mais au Japon, le Nouvel An est la fête la plus importante de l’année après l’anniversaire de l’Empereur).

Les Pierres de Plouhinec est donc un conte traditionnel de noël : on y parle de la Nativité, la naissance de Jésus, dont noël est l’anniversaire, avec la messe de minuit à l’église. On y parle aussi des menhirs, dont certains en Bretagne ont été christianisés en y sculptant une croix. Ce conte aborde cette page de l’Histoire où une religion en a supplanté une autre, le christianisme ayant incorporé des éléments de la culture païenne préexistante : la fête de noël remplace les célébrations païennes liées au solstice d’hiver. Le fait de graver des croix sur des mégalithes est devenu un acte interdit aujourd’hui, heureusement. Mais l’Histoire est ce qu’elle est, les mœurs changent : autrefois, cet acte était jugé bon. Et les contes se déroulent souvent « autrefois, il y a bien longtemps ». Ayant grandi à Plouhinec, cette histoire est le premier conte breton dont j’ai eu connaissance, dans mon enfance. J’ai plaisir à le dire en période de noël.

Après avoir terminé mon spectacle, les enfants ont les yeux qui pétillent, les parents sont ravis. Mais le personnel de la médiathèque fait la soupe à la grimace : mon spectacle a écorché leur Charte de la Laïcité !

Dans le conte des Pierres de Plouhinec, notamment, j’ai prononcé les mots « église », « messe », « croix », « Jésus », « Dieu »…inadmissible !

On m’envoie un courriel avec cette fameuse Charte pour que je comprenne la grave erreur que j’ai alors commise. Excusez-moi, mais après l’avoir lue, je ne comprends toujours pas ce dont on m’accuse. Dans les articles cités ci-dessus lequel m’interdit de dire ce conte ?

La Charte dit bien que la République respecte toutes les religions ; c’est le prosélytisme qui est interdit. Kesako ? Définition sur Wikipédia : « le prosélytisme est l’attitude de personnes cherchant à convertir d’autres personnes à leur foi. Par extension, le prosélytisme désigne le zèle déployé afin de rallier des personnes à un dogme, une cause, une théorie ou une doctrine. »

Lorsque sur le même spectacle, j’ai dit le conte japonais du Nouvel An, malgré les mots « divinités », « dieux » et « offrandes », on ne me reproche pas de porter atteinte à la valeur laïque de la médiathèque avec ce conte shintôïste (le shintô est LA religion du Japon, une religion animiste très pratiquée). Le problème ne semble se poser que sur le sens chrétien de noël (j’ai déjà précisé que cette période de l’année est célébrée depuis des temps bien plus anciens).

Conte : discrimination et prosélytisme

Si la République Française respecte toutes les religions, mais en interdit le prosélytisme, et qu’aucune discrimination n’est tolérée (article 9 de la Charte), pourquoi puis-je dire un conte shintô, mais pas un conte chrétien ? N’est-ce pas là une forme de discrimination ?

Lorsque je raconte un conte de noël qui parle de la Nativité, est-ce là un acte de prosélytisme ? Pas plus que lorsque je dis un conte shintô dans le même spectacle ! Il m’arrive aussi parfois de dire des contes bouddhistes et des contes soufis (donc musulmans). Ça ne fait pas de moi une bouddhiste ou une musulmane. Pas plus que dire un conte chrétien fait de moi une chrétienne cherchant à convertir mon auditoire au christianisme. Je ne suis qu’une conteuse qui dit des histoires. On me demande un thème : noël ; alors je dis des contes rattachés au thème demandé. Rien de plus. Noël est une fête chrétienne, il n’y a rien de choquant à ce que qu’un conte traditionnel de noël parle de la Nativité.

Depuis cet incident, je demande si les contes de noël traditionnels me sont autorisés ou pas dans les lieux où mon spectacle de noël est programmé. Si c’est non, le spectacle sera plus court, raccourci d’une ou deux histoires (pour le même tarif).

Que représente noël aujourd’hui ?

Certes, noël est devenu une fête ultra mercantile, faisant l’apologie de la surconsommation d’objets ou de nourriture…tout au plus garde-t-elle encore une certaine valeur de rassemblement familial. Et c’est Petit Papa Noël qui en est le héros moderne (initialement, c’était Saint-Nicolas…un évêque du IVe siècle).

Si l’origine païenne en est un peu oubliée, la Nativité reste l’origine chrétienne de noël : on célèbre la naissance de Jésus. Le sapin de noël serait le symbole de l’Arbre de la Connaissance au Jardin d’Eden (le pommier dont Adam et Ève ont croqué le fruit défendu…pomme représentée par les boules de noël, et les guirlandes pourraient faire office de serpent). Ayant compris ce symbolisme, il a été demandé à certaines mairies de retirer tout sapin de noël dans l’espace public…les mairies ont refusé la demande de ces laïc.ques intégristes (si je peux me permettre l’expression).

Risques de la censure culturelle

Je trouve plus que dommage d’interdire de dire des contes religieux (chrétiens ou d’autres religions). C’est plus que dommage : c’est dangereux. C’est de la censure culturelle. Toute censure est le début de l’obscurantisme.

Obscurantisme (définition de wikipaedia) : « un obscurantiste prône et défend une attitude de négation du savoir. Il refuse de reconnaître pour vraies des choses démontrées. Il pose des restrictions dans la diffusion de connaissances ». Selon moi, lorsqu’on interdit de faire savoir que noël fête la Nativité, une fête catholique, c’est le début de l’obscurantisme. Car il s’agit de taire l’origine de quelque chose, le sens symbolique d’un évènement, d’une fête. Évidemment, il est tout aussi nécessaire de ne pas taire les origines païennes attachées à cette période de l’année, le solstice d’hiver.

Ce qui est sûr et certain : censure et obscurantisme n’ont jamais nourri la paix.

Nourrir la paix avec des contes religieux

Les contes sont universels, ils viennent de tous horizons. Et « ho, stupeur ! », on s’aperçoit qu’à travers les âges et les civilisations, les trames se recoupent, les histoires se ressemblent et se différencient subtilement, comme le sont les êtres humains : tous semblables et distincts à la fois. Les veillées contées rassemblent les générations, les sociétés et les individus en un même lieu. La Parole circule, elle est écoutée, puis répétée pour voyager. Les contes sont des facteurs de convivialité, de partage, de curiosité envers celle.celui qui parle. Ils nous aident à comprendre nos voisin.e.s qui ne sont pas comme nous. Et nous comprenons qu’au fond, nous sommes cousin.es. Les contes nous rapprochent, nous font appartenir à la grande famille humaine. Des histoires rattachées à telle religion trouve écho dans une autre.

C’est en totale conformité avec l’article 12 de la Charte : un élève ne peut invoquer sa religion pour refuser d’aborder une notion scientifique ou pédagogique, « afin de favoriser l’ouverture la plus objective possible à la diversité des visions du monde, ainsi qu’à l’étendue et à la précision des savoirs. » La diversité des visions du monde, ça concerne aussi la diversité religieuse, non ? Aujourd’hui, des enfants musulmans veulent fêter noël, avec un sapin à la maison et des cadeaux, pour faire comme tout le monde, parce que ça leur fait envie et c’est bien normal : noël, c’est la fête de tous les enfants. Est-ce un crime de juste leur dire que c’est l’anniversaire de la naissance de Jésus ? Ne serait-ce que pour leur culture générale ? Est-il pédagogique de refuser qu’ils sachent l’origine de cette fête ?

Pourquoi le refuser ? Pourquoi interdire les contes de noël parlant de la Nativité ? Les gens qui s’en offusquent ont peur. Mais de quoi ? Peur de déclencher des tensions inter-religieuses ?

Selon moi, ne garder que le sens consumériste, commercial, et donc capitaliste, de noël n’aidera pas à apaiser notre société de plus en plus violente.

Les contes mettent souvent en avant des valeurs de partage, de solidarité, de respect, de persévérance, de résilience et de paix. La violence de notre société ne vient-elle pas de perte de valeurs sociale, de perte de points de repère ? Les contes peuvent en apporter. Les contes de toutes les religions en sont porteurs, sans avoir à chercher à convertir l’auditoire à telle ou telle religion. Il s’agit juste de constater que les messages qu’elles véhiculent sont souvent les mêmes ; que les histoires elles-mêmes se ressemblent d’une religion à une autre.

Les veillées contées ont la capacité de rassembler les gens, dans le plaisir du rassemblement. Elles font se rencontrer les cultures et les religions, en plus de se faire rencontrer les individus. Les conteurs et les conteuses nous arrachent à nos écrans perpétuels, pour nous faire rêver ensemble à un monde meilleur.

Voilà pourquoi censurer les contes religieux est à mon sens dangereux, surtout à une époque où les tensions interreligieuses sont grandissantes. Est-ce utopique de penser que des veillées contées régulières apaiseraient ces tensions ?

En tout cas, la censure de contes ne me semblent pas la bonne solution à ces tensions interreligieuses.

La France chrétienne

Peu importe votre foi ou votre non-foi, la culture française est traditionnellement chrétienne. Malgré la Loi de 1905, la France un pays chrétien.

Notre calendrier est grégorien (promulgué par le Pape Grégoire XIII en 1582, un calendrier papal, donc catholique). Chaque jour de l’année célèbre un saint ou une sainte chrétienne, ou plusieurs. Parmi les jours fériés français, il y a : le lundi de pâques (qui célèbre la résurrection de Jésus…encore lui !), le jeudi de l’ascension (la montée au ciel de Jésus, toujours lui), le lundi de la pentecôte (le retour du saint-esprit sur les disciples de Jésus, encore et toujours), l’assomption (la mère de Jésus, Marie, monte au ciel, le 15 août), et la toussaint (jour de tous les saints, comme son nom l’indique ; le jour des défunts étant le 2 novembre, allez voir votre calendrier si vous ne me croyez pas). De même, le jour de repos hebdomadaire est traditionnellement le dimanche : « le jour du seigneur » chez les chrétiens (c’est le samedi pour les juifs et le vendredi pour les musulmans). Tous ces jours sont fériés, et la plupart des fonctionnaires de la République française ne travaillent pas ces jours là. Peu importe la religion de ces gens, ou s’ils sont athées, ce sont des jours fériés catholiques, puisqu’instaurés par un Pape il y a 450 ans. Le calendrier en usage en France ne célèbrent aucune fête shintô, aucune fête bouddhiste, musulmane ou juive (même si certaines dates chrétiennes remplacent des fêtes juives) ; le calendrier de la République française ne célèbre que les évènements les plus importants du christianisme : la naissance de Jésus, sa résurrection, sa montée au ciel, le retour du saint-esprit, et la mère de Jésus.

Nous vivons dans une société chrétienne, que ça nous plaise ou non. D’ailleurs, par commodité commerciale mondiale, la plupart des pays du monde utilise le calendrier grégorien, même si la religion nationale n’est pas le christianisme (parfois en parallèle avec un calendrier traditionnel) : c’est la mondialisation.

Si nous voulons aller jusqu’au bout du raisonnement, de bannir toute référence religieuse dans notre société, il nous faudrait donc changer de calendrier et bouleverser toutes nos traditions, reconvertir tous nos édifices religieux… ça s’est déjà fait, à la Révolution. Peut-être pourrions-nous revenir au calendrier révolutionnaire ? Appelé aussi calendrier républicain, il était débarrassé de toute référence chrétienne, et se basait sur la nature, les saisons et les valeurs morales de la République (fête de l’Opinion, jour des Époux, etc.). Le 1er janvier 2025 serait le 11 nivôse 233, ça a l’air chouette, non ?

Je plaisante (le calendrier républicain a nettement moins de jours fériés que le calendrier grégorien !).

Tout ça pour vous dire que la culture française est profondément imprégnée de christianisme. Peut-être ne le voyez-vous pas, tellement nous baignons dans cet environnement chrétien sans forcément nous en rendre compte.

Chaque village a grandi autour d’un clocher, même si de plus en plus d’églises et de chapelles sont désacralisées voire détruites vu leur manque de fréquentation, et d’entretien.

Nos prénoms restent souvent d’origine chrétienne, même si la mode est à une diversification exotique, voire néologique, de l’état civil des nouveaux-nés. Parmi les prénoms les plus donnés en 2024, il y a Louise pour les petites filles (Sainte-Louise est fêté le 15 mars dans le calendrier grégorien), Gabriel et Raphaël pour les petits garçons, soit deux noms d’archanges (tous les deux fêtés le 29 septembre) ; messagers de Dieu, Gabriel est étymologiquement la « Force de Dieu », et Raphaël en apporte la guérison.

Depuis la Loi de 1905, la République française sépare les affaires religieuses et les affaires politiques. Alors j’ai une question : pourquoi avons-nous vu dernièrement notre Président de la République française assister à une cérémonie liturgique, diffusée sur une chaîne télévisée publique, lors d’un évènement qui a évincé absolument toutes les actualités du moment ?

Vous aurez sans doute reconnu à quel évènement je fais allusion : la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le 7 décembre 2024. Les médias l’ont aussi photographié/filmé lorsqu’il assistait à la messe du lendemain.

Qu’un chef de l’État français assiste à des cérémonies catholiques ne pourrait-il pas s’agir là d’actes prosélytiques majeurs ?

Emmanuel et Brigitte Macron devant le reliquaire de Notre-Dame de Paris. Photo : AFP Stéphane de Sakutin

Censure des contes et des conteur.euse.s

C’est que, voyez-vous, ça m’agace un peu de voir le Président de la République assister à un évènement catholique diffusé à la télé à la place des programmes télévisés habituels, alors que moi, on me reproche de dire à noël un conte qui parle de la Nativité, dans une médiathèque.

Conséquence, parfois, je dois censurer ces contes. Quant aux chants de noël, afin d’éviter toute controverse, j’en censure aussi les mots pouvant être connotés : « la sainte nuit de noël » devient « la-la-la nuit de noël » (dans « douce nuit »), et dans le deuxième couplet de « mon beau sapin », je chante « au lal’anniversaire » à la place de « au saint anniversaire ». Il faut bien gagner sa croûte quand on est professionnelle du conte, et j’ai besoin de chaque contrat de spectacle pour vivre de mon métier.

Il y a des lieux où il m’est interdit de dire des contes chrétiens (ou musulmans…mais les contes shintô ne posent jamais de problème, toujours cette curieuse discrimination). Si je dis malgré tout un de ces contes interdits, les personnes programmatrices du spectacle en seront fâchées. Elles ne me feront pas revenir. Voire, elles me feront de la mauvaise pub, et déconseilleront aux autres institutions d’avoir recours à mes services. Et même, elles pourraient vouloir refuser de me payer (c’est ce qu’il s’était passé lors de l’anecdote narrée ci-dessus).

J’ai compris la leçon, je ne dis plus ces contes s’ils ne sont pas les bienvenus. J’accepte ce principe de censure, comme bien des artistes de spectacle : les humoristes ne peuvent plus de faire de blagues sur les étrangers (le racisme reste mal vu, malgré la montée de l’extrême droite), les homosexuel.le.s (c’est forcément homophobe), les femmes (mysogines), les handicapés, les personnalités politiques…

Heureusement, qu’il existe des lieux ouverts d’esprit où ces contes potentiellement « non-laïcs » restent les bienvenus…y compris dans certaines médiathèques municipales ou des écoles publiques. Donc des lieux où s’appliquent la Charte de la Laïcité…mais elle y est appliquée sans prosélytisme laïc. (Je vous rappelle que le prosélytisme est aussi le zèle de certaines personnes à imposer un dogme, une cause, une théorie ou une doctrine. La laïcité est une valeur qui peut elle-même devenir un dogme, ou une doctrine).

Je remercie particulièrement toutes les personnes qui m’ont permis de dire Les Pierres de Plouhinec dans leur médiathèque, leur école (privée ou publique), ou tout autre établissement, dernier en date : le village musée de Poul-Fetan (appartenant à la municipalité de Quistinic, 56).

Pourquoi dis-je des contes religieux ?

Dans mon répertoire, je dis quelques contes religieux : chrétiens, shintô, bouddhistes, musulmans ou autre. Ce n’est pas pour afficher ma foi en Dieu. Ce n’est donc pas par prosélytisme. Mais alors pourquoi les dire ?

En ce qui me concerne, ce qui me plaît dans ces histoires, ce n’est pas comment Dieu y est perçu, mais ce qu’il y a derrière les personnages, leurs actes et les valeurs qu’ils véhiculent. Mon idée n’est jamais de prôner telle ou telle religion, mais plutôt de rechercher tel ou tel état d’esprit, le plus ouvert possible, le plus tolérant possible. Je ne cheche pas convertir qui que ce soit à une religion, mais je m’intéresse aux valeur qu’elle véhicule : bonne humeur, entraide, respect, persévérance, résilience, sérénité… voilà ce qui me touche dans ces histoires. On ne peut pas conter une histoire qui ne nous plaît pas, car s’il n’y a pas d’amour dans notre récit, il ne touchera pas notre auditoire non plus. Comme tous les conteurs et toutes les conteuses, je ne peux dire que des histoires qui m’ont touchée. La présence de Dieu parmi les éléments de l’histoire n’est pas un obstacle à mes émotions.

Je ne suis pas pratiquante religieuse. J’ai grandi dans une société culturellement catholique (la France), dans une famille catholique (mes grands-mères allaient à la messe tous les dimanches ; il fallait tracer une croix sur leur pain avant de l’entamer). Mais je n’ai jamais perpétré ces traditions religieuses. Je ne suis même pas baptisée, et ça ne m’empêche pas de dormir. Les traditions judéo-chrétiennes ne me conviennent pas vraiment : Dieu-le-Père qui a tout fait tout seul, ça ne tient pas debout, c’est trop patriarcal.

Pourtant, cette culture chrétienne, je ne la rejette pas complètement, parce qu’elle fait partie de la société dans laquelle j’ai grandi, et dans laquelle je vis toujours, elle faisait parties du quotidien de mes grands-mères. Parce que derrière la chappe patriarcale chrétienne se cachent des valeurs de partage, d’entraide, de respect, de persévérance, de résilience, de paix…que mes grands-mères m’ont transmises.

Et parce que les édifices catholiques sont parfois aussi des lieux propices à la Parole, même la parole des contes profanes. Il n’est pas rare de pouvoir écouter des contes dans une chapelle.

Chapelles, églises et cathédrales sont de splendides bâtiments…d’ailleurs, j’ai profité d’une racontée à Paris dernièrement pour visiter Notre-Dame. Elle est superbe !

Conte et patrimoine

Je répète ma question : pourquoi avons-nous vu dernièrement notre Président de la République française assister à une cérémonie religieuse puis à une messe, alors que mes contes subissent parfois une censure culturelle au nom de la laïcité républicaine ?

Parce que Notre-Dame de Paris est un monument majeur du patrimoine de la France ? Pensez donc, une superbe cathédrale de 800 ans, visitée par 14 millions de personnes en 2018 (avant son incendie).

Savez-vous que les contes sont bien plus anciens ? (peut-être pas les contes modernes de Petit Papa Noël). Celui des Pierres de Plouhinec pourrait être rattaché à la période où la Bretagne a été christianisée, vers le VIe siècle, il y a donc environ 1400 ans, largement avant l’ère des cathédrales. Les contes remontent à l’aube de l’Humanité, dès l’apparition du langage parlé, et bien avant l’écriture. Le plus ancien texte d’un conte date de 6000 ans, mais cette histoire existait sous une forme orale depuis bien plus longtemps.

De plus, il est impossible de chiffrer le nombre de personnes qui ont entendu, lu ou vu un conte en 2018 en France ; sans doute bien plus que 14 millions. Là aussi Notre-Dame est détrônée.

Si celle-ci est un fleuron du patrimoine bâti parisien, les contes relèvent du patrimoine immatériel de l’Humanité. Dans les sociétés de tradition orale, ils en sont le ciment social et le moyen d’éducation des enfants. Hélas, ces sociétés tendent à disparaître et leurs traditions orales, sociales et éducatives également. L’UNESCO s’est donnée pour mission de reconnaître des éléments du patrimoine culturel immatériel (PCI) de l’humanité : des langues, des musiques, des danses, des chants, du théâtre traditionnel, mais aussi du sport, de la gastronomie, des savoir-faire, des cérémonies…curieusement, nulle part le mot « conte » n’y figure. Quel terrible manque. Cette absence m’interpelle. Et vous ?

Merci d’avoir lu jusqu’au bout.

Uriell, conteuse.

Références :

Charte de la Laïcité : https://www.education.gouv.fr/sites/default/files/2024-03/charte-de-la-la-cit-a4-43565.pdf

Laïcité et fait religieux (inspection générale des bibliothèques, sept 2016) : https://www.enssib.fr/bibliotheque-numerique/documents/67153-laicite-et-fait-religieux-dans-les-bibliotheques-publiques.pdf

UNESCO et patrimoine culturel immatériel :

https://ich.unesco.org/fr/qu-est-ce-que-le-patrimoine-culturel-immateriel-00003

https://ich.unesco.org/fr/listes

Journée Mondiale du Conte

Chaque jour a ses thèmes, les semaines aussi, les mois ou les années. Certains de ces thèmes sont très connus et particulièrement médiatisés : la Journée internationale des Droits de la Femme le 8 mars, la semaine du goût, le » mois sec » en janvier (pour ne pas boire d’alcool), le thème de l’année 2024 ? heu…les JO !

Des sujets de journées, à vrai dire, il y en a parfois 10 par jour, tellement ces thèmes sont nombreux. Un exemple ?

Aujourd’hui, 20 mars 2024, nous sommes en plein dans la semaine où il faudrait alterner avec les pesticides, c’est surtout la journée internationale sans viande, c’est également le jour où l’on célèbre la francophonie, le livre voyageur, le moineau, le macaron, la santé bucco-dentaire, et attention, très important, c’est LA journée du bonheur, rien que ça…sans parler des violences policières contre lesquelles il faudrait lutter particulièrement ce jour là. Ha, et puis, j’allais oublier, au milieu de tous ces thèmes divers et variés, c’est aujourd’hui que se déroule la journée mondiale du conte. Ben, si c’est déjà la journée mondiale du bonheur, c’est un beau pléonasme !

Un autre exemple ? Demain, 21 mars, c’est le jour de la marionnette (hey, le conte est avant ! 😎 ), de la poésie, la musique ancienne, la forêt, la trisomie 21 (normal, c’est le 21), de la lutte contre les discriminations raciales, du nowruz (si vous ne savez pas ce que c’est et que vous voulez le savoir, Google est votre  ami), et attention, tenez-vous bien car c’est hyper important que cette journée là, ce soit celle du rangement de bureau…nettoyage de printemps, quoi.

Tien, et au fait, le printemps, c’est quand ? Le 20, comme le conte, c’est évident.

Pour les ceusses qui voudraient s’amuser à voir les thèmes célébrés le jour de leurs anniversaires, voici la liste complète des journées à thème : https://www.journee-mondiale.com/les-journees-mondiales.htm Moi, le jour de mon anniv’, il n’y a pas grand chose, et pourtant, c’est sûr que c’est important : la journée des enfants des rues (pauv’ gosses), et la journée internationale du vol spatial habité. C’est tout…ah et puis, il y a mon anniversaire, aussi. 😛 À vous de retrouver à quelle date ça correspond (ce jeu est exclusivement réservé aux personnes qui ne connaissent pas la date de mon anniversaire…il n’y a rien à gagner).

Bref, tout ça pour dire que si certains thèmes sont très médiatisés, la plupart ne le sont pas du tout, tel que la journée mondiale du conte. Savez-vous à quel point ce thème de journée est passé sous silence ? Beaucoup de conteurs eux-mêmes ignorent son existence, à commencer par Bibi, jusqu’à cette année. 😇

Cette année, donc, j’ai juste demandé à mon moteur de recherche s’il y avait une journée du conte, et BIM ! Voilà sa réponse : le 20 mars. Sauf que, pas de bol, aujourd’hui, je n’ai rien de prévu pour marquer le coup : pas de spectacle, pas d’atelier, même pas une rencontre de conteurs, ni même une réunion…de toute façon, dans les réunions, on n’est pas là pour conter !

Alors j’ai conté en impromptu, aux gens que je rencontrais. Ce matin, j’ai commencé par faire le plein d’essence chez mon cousin pompiste. Lorsque je lui parle de la journée mondiale du conte, il me répond que ça ne l’intéresse pas. Je lui raconte quand même une petite histoire de Fanch Ar Fur (c’est un cousin de Nasredine, qui vit en Bretagne). Ça l’a amusé. Ensuite, alors que je m’occupais de mes poneys, j’ai rencontré une jeune femme qui se promenait, et qui a eu une petite histoire en passant. Puis Denis est venu faire sa séance d’arts martiaux avec moi, entraînement qui s’est terminé par un conte de sagesse bouddhiste. Après le déjeuner, je suis passée à la salle du City, pour régler quelques détails de mon prochain spectacle prévu la semaine prochaine : la secrétaire a aussi eu droit à un autre petit conte de Fanch Ar Fur. Je me suis ensuite rendue à l’EPHAD pour rendre visite à ma grand-mère, je lui en ai conté un dans sa chambre, et ai aussi conté la même histoire dans la cafétériat (où l’animatrice n’était pas informée de mon intervention, alors même que c’était le seul impromptu qui n’en était pas un, puisque j’en avait parlé les semaines précédentes à la responsable des animations). J’ai continué « ma tournée de vieux » avec mon père et son assistante de vie, re-Fanch Ar Fur. Je suis ensuite allée faire mes courses à la biocoop, et c’est la caissière qui a eu droit à une petite histoire (devinez sur qui). Je range les courses et c’est ma chère Maman qui a entendu le dernier impromptu de cette mémorable journée mondiale du conte 2024, la première que je fête à ma façon.

Le conte reste encore un art méconnu, « qui n’intéresse pas » (dixit mon cousin pompiste, qui finalement a bien aimé l’histoire que j’ai choisie pour lui), une « occupation pour les bébés » (ou les vieux). Un art invisible, que j’ai tenté pour la journée de faire découvrir aux personnes que « ça n’intéresse pas », ni bébé, ni vieux (bon, à l’EPADH si, quand même un peu, ma grand-mère est centenaire)…et aux personnes qui connaissent déjà un peu (ma mère est ma première fan, le plus dur étant de trouver un conte qu’elle ne connaissait pas déjà).

Bien sûr, je n’ai pas lu, j’ai conté, les yeux dans les yeux avec mon auditoire. Ça aussi, c’est un préjugé qui a la vie dure. A l’EHPAD, on m’a demandé si j’avais mon texte avec moi. Parce que les animatrices y lisent déjà souvent des contes aux résidents…sans imaginer que les conteurs (et même plutôt, les conteuses) d’autrefois étaient bien souvent analphabètes. Un conte, ça ne se lit pas, ça se vit jusqu’au fond du regard. Et sur ce point là aussi, il y a du travail : lisez comment le site web sur les thèmes de journée conclue la présentation sur la journée mondiale du conte : « amoureux des livres et de la lecture notez ce rendez-vous sur vos agendas » ( https://www.journee-mondiale.com/95/journee–mondiale-du-conte.htm )

Cette journée touche à sa fin. Amoureux des rêves, notez cette date dans vos agendas. RDV l’année prochaine, et d’ici là, je vous souhaite un joyeux printemps !

Belle année 2024 : nouvel an, nouvel élan.

La crise du covid à peine terminée, c’est la guerre aux portes de l’Europe qui affole les données économiques mondiales…et les prix de nos étiquettes. Pour beaucoup de monde, les revenus baissent alors que les prix augmentent, notamment pour les artistes et ceux qui travaillent avec eux. En période de crise, le premier poste budgétaire à être réduit, c’est celui de la culture et des loisirs.

Comment faire ?

En rebondissant, avec un nouvel élan !

En 2024, j’arrête les activités qui périclitaient, et je me recentre sur celles qui me semblent porteuses. Traduction : je suspends mon activité de sorties contées sur le pays de Lorient (que je reprendrai peut-être plus tard, qui sait ?), et je consacre plus de temps et d’énergie à faire connaître mes spectacles en salle, notamment mon « petit bébé », le dernier né, en 2023 : Mimines et Peinturlures, destiné aux plus jeunes (les moins de 3 ans).

C’est bien connu, l’avenir, ce sont les jeunes, les enfants, les bébés. L’avenir, c’est leurs regards pétillants, leurs sourires toujours sincères, leur commentaires amusés de me voir me peindre les mains et les joues, leur vivacité à capter et à s’intéresser, leur capacité permanente à s’amuser et à profiter de la vie. Nous devrions prendre exemple sur les bébés. C’est eux qui me porteront en 2024 !

Suite à ma résidence artistique au City en 2023, le City me programme officiellement en 2024, précisément le 29 mars. Initialement, 2 représentations étaient prévues : devant l’afflux des réservations de la part d’écoles maternelles et de crèches, deux représentations supplémentaires sont prévues (et bien sûr, elles sont déjà complètes). Peut-être reste-t-il quelques places pour celle de 19h, ouverte aux familles : réservez vite auprès de Plateau en Toute Liberté : http://blogptl.canalblog.com/pages/accueil-du-public/33373628.html

EN 2024 :

Je ne peux que vous souhaiter de progresser dans vos projets, et de les faire aboutir. Que vous rencontriez les personnes providentielles qui vous y aideront, comme j’ai pu faire ces rencontres pour finaliser Mimines et Peinturlures, et pour que ce spectacle soit programmé dans une salle de spectacle.

Je vous souhaite aussi la meilleure santé possible, pour vous-mêmes et pour vos proches. Que les malencontreux accidents et les inévitables maladies vous permettent de guérir…de gaie-rire.

Bonne année à vous. Une année pleine de lumière, et d’aubes flamboyantes. Le soleil se lève au pays des rêves…alors c’est le moment de rêver !

Lever de soleil sur le port d’Étel, vu depuis Plouhinec

Mimines et Peinturlures, la naissance d’un spectacle

Créer un spectacle, ça prends du temps, beaucoup de temps.

Pour créer un spectacle « solo », il faut du monde, beaucoup de monde.

Tout commence par une envie, une idée.

En 2019, mon amie Monique Le Berrigaud, bénévole à Il Etait Une Fois, annonce qu’elle arrêtera bientôt de conter, pour raison de santé. Dans l’association, elle est la spécialiste des contes pour les tout-petits, les moins de trois ans. Je suis étonnée : les bébés écoutent des histoires en étant aussi jeunes ? Bien sûr m’assure-t-elle. Par contre, ils sont « cash » : si l’histoire ne les intéresse pas, ils te le font vite savoir. Les bébés n’ont pas la politesse de faire semblant d’écouter si ça ne leur plaît pas. Monique m’invite à venir voir sa toute dernière prestation, avant de ranger définitivement son sac à histoires. Je la retrouve donc fin juin 2019 au Festival de littérature jeunesse de Doëlan, « Rêve d’océan ». Je suis impressionnée par le calme qui règne dans le public composé d’une dizaine de bébés accompagnés de leurs familles. Ils sont si attentifs. A la fin de cette dernière fois, elle demande « tu me succèdes ? ». Voilà un sacré défi, que j’ai relevé.

Monique Le Berrigaud à son dernier spectacle, à Doëlan, juin 2019.
La collection de gants de Monique, que les enfants peuvent regarder en fin de spectacle.

Accompagnée de Pascale et Jeannick, également bénévoles à Il Etait Une Fois, nous nous initions auprès de Monique à l’art hautement exigeant de conter aux tout-petits. Monique nous montre ses histoires, illustrées par toutes sortes de gants qu’elle a adaptés elle-même. Elle déclare qu’on peut prendre ses contes, car de toute façon, aucune histoire n’appartient à personne, mais qu’elle garde pour elle l’idée des gants. Alors, je me dis que je me peindrai les mains.

Ca se poursuit par une pandémie…

Je m’entraîne assidûment avec Jeannick et Pascale pour que notre spectacle soit prêt pour l’édition 2020 du festival de Doëlan, fin juin. Comment mettre en application cette idée de se peindre les mains ? Est-ce réalisable ? Les écueils se révèlent nombreux.

Et puis, une pandémie à confinement est passée par là : le festival est annulé. Je vais vous avouer que ça m’a soulagée, car je nous voyais difficilement prêtes à cette échéance. Nous avons donc eu une année supplémentaire pour nous préparer, et ce n’était pas du luxe !

Le festival Rêve d’océan a finalement eu lieu en juin 2021. Jeannick, Pascale et moi-même étions fin prêtes : nous avions cherché plein d’histoires, suivi les conseils de Monique, répété encore et encore…et le résultat était top. Nous étions stressées de découvrir notre nouveau public, si jeune, si exigeant…et tellement choubidou !

Ca s’est si bien passé que nous avons rempilé pour l’année suivante, avec de nouvelles histoires, de nouvelles chansons…de nouvelles peinturlures en ce qui me concernait, car mes acolytes préféraient la couture ou la guitare. Mon répertoire s’enrichit…au point que j’ai maintenant assez d’histoires pour monter un spectacle solo.

Répétition de Petit Jaune et Petit Bleu, avec Jeannick, pour Doëlan 2021

Etre seule mais bien entourée..

Travailler seule à la maison, c’est difficile.

Heureusement, il n’y a pas de hasard, il n’y a que des rencontres. Voilà qu’un soir, je fais la connaissance de ma voisine de siège lors d’un concert à la salle du City, à Lorient. Cette voisine, Nadine, n’est autre que la secrétaire de l’association qui gère le City. Je lui parle de mon métier de conteuse. Elle me conseille de demander une résidence d’artiste à l’association Plateau en Toute Liberté. Judicieux conseil que j’ai suivi. Merci Nadine !

Je rentre en résidence artistique le lundi 16 janvier 2023, jusqu’au vendredi suivant. Jusque là, je n’avais dit mes contes qu’en partageant la scène avec Pascale et Jeannick. J’avais une histoire par ci, une histoire par là. Il m’a fallut réorganiser le fil rouge de toutes mes histoires, les lier. Parfois nous contions une histoire à deux voix. Comment raconter seule ce que nous faisions à deux ou trois ? Le cerveau a turlupiné, farfouillé parmi mille idées, essayé, réessayé. Oups, il faudrait une petite chanson ici : à moi de l’inventer…chercher un rythme et une mélodie, trouver des paroles, des sonorités qui s’accordent. Je répète encore et encore. Je déplace telle histoire, ha non, c’était mieux avant. Je corrige. Ça cogite et ça prend forme. Qu’est-ce qui est en trop ? Que manque-t-il ?

Il manque l’éclairage. Pat, le technicien « lumière » de Plateau en Toute Liberté m’explique les rudiments de son art, celui de mettre un spectacle en valeur par quelques projecteurs judicieusement placés, allumés au bon moment à l’intensité requise, avec la bonne couleur. C’est technique, c’est passionnant. Merci Pat.

Puis c’est Jo Joubel qui m’apporte son éclairage de metteur en scène. Il regarde un filage de Mimines et Peinturlures, m’apporte un ou deux conseils, avec beaucoup de délicatesse. Merci Jo.

Parallèlement, je prépare le spectacle qui clôturera cette semaine de résidence artistique, et de travail intense, prévu le vendredi 20 janvier 2023 à 17h. Spectacle donné en présence du public auquel il est destiné : les bébés. Je contacte les acteurs (ou plutôt les actrices) de la petite enfance sur Lorient, crèches et nounous. « Tintinabulle » accueille des bébés à 200m du City : des parents viendront voir mon spectacle avec leurs progénitures. En échange, il leur sera demandé de noter leurs impressions, et leurs éventuels conseils. D’un autre côté, je contacte mon voisin et ami, Pierre, vidéaste et directeur du petit studio Grand Duc, afin que cette avant-première soit filmée.

Le jour J arrive. Inutile de préciser à quel point j’avais le trac. Et en même temps, j’avais tellement travaillé, répété et tout préparé que je me disais que ça ne pouvait que bien se passer…petite phrase pour me rassurer. Nadine accueille le public. Parents, nounous et enfants de tous âges s’installent. Les néons s’éteignent, les projecteurs sont déjà allumés. Je rentre en scène…

Mimines et Peinturlures : spectacle de fin de résidence au City, le vendredi 20 janvier 2023

Trente minutes plus tard, les derniers applaudissements résonnent. Les familles quittent la salle les unes après les autres. À leur sortie, les petits papiers se déposent dans l’urne : autant d’avis pour me permettre d’ajuster mon spectacle. Ce qui a plu. Ce qu’il faudrait modifier, car un spectacle de conte n’est jamais figé et reste toujours perfectible. Voici quelques phrases recueillies :

« Tout le monde rêve de se peindre les mains, et vous, vous le faites ! », « Spectacle très mignon. Les enfants étaient attentifs. Le fait de jouer avec la peinture a plu au petit garçon que j’ai en garde », « Super spectacle. Les enfants étaient captivés. », « Merci pour ce spectacles coloré, musical, agréable à écouter et regarder », « Gentilles histoires. A renouveler. Merci et bravo. »

Merci à tous ces bébés pour leur attention si fragile. Merci à leurs grands frères, grandes soeurs, parents, grands-parents et nounous pour leur intérêt, leurs avis, conseils et encouragements.

Il reste encore à préparer la vidéo avec les Studios Grand Duc. Le montage est encore en cours au moment où j’écris ces lignes…bientôt, bientôt. Merci Pierre et Maxime pour tout le travail accompli, et qu’il reste encore à faire. Il me reste encore à remercier Sylviane pour la conception de l’affiche et du papillon (ou flyer, en franglais).

Ensuite, il restera à faire connaître ce spectacle nouvellement né, à le faire programmer dans des salles, des RAM, des festivals… Merci enfin aux personnes qui programmeront Mimines et Peinturlures. À suivre.

Une balade contée particulière, avec mes invités.

Dernièrement, j’ai réalisé un projet qui me tenait à coeur depuis que je propose des balades contées. Il s’agissait d’y faire participer mes deux poneys, Pitchoun et Tom-Pouce.

En plus de mon activité de conteuse, je propose aussi des méditations avec les chevaux. https://cheval-emotions.fr/

Mes poneys habitent habituellement à Kervignac, mais deux ou trois semaines par an, ils viennent en villégiature à Hennebont, dans le parc municipal du Merdy…où je fais aussi mes balades contées.

Mais il m’est difficile de conter tout en veillant à la sécurité des poneys et du public qui les accompagne. Bref, j’attendais l’occasion où un.e ami.e conteur.se participerait à une de mes balades dans le Bois du Merdy, à une période où les poneys y seraient aussi. Si cet.te ami.e accepte de conter à ma place, alors je pourrais gérer mes compagnons sabotés pendant la promenade.

Et bien ce jour là, samedi 20 février 2021, les planètes se sont alignées comme il fallait pour que cette conjoncture se présente. Et c’est ainsi que le public présent ce jour là a découvert ces invités surprises, amateurs d’herbe et de caresses. Petits et grands en étaient enchantés.

J’ai guidé tout ce beau monde à travers bois : poneys, public et conteur.se. Pendant ce temps, les contes sortaient des bouches de Sylviane et d’Yves. Merci à eux…

Salut Lulu !

Lucien Gourong en avait assez de voir les bistrots fermés. L’Ankoù l’a invité à venir boire un verre : il a accepté, et Lulu s’en est allé.

Lucien Gourong est un des derniers conteurs traditionnels locaux. Il racontait les histoires de son père et de sa « Meumé », des tranches de vie d’autrefois de la vie des Groisillons (les habitants de l’île de Groix où il était né)…des anecdotes, des contes traditionnels, des chansons, son répertoire était varié et authentique, tantôt dramatique, tantôt drôle.

Je l’ai vu en spectacle, avec mes parents quand j’étais petite. Mon frère avait même acheté deux de ses disques de contes (des vinyles, 33 tours), qu’il a toujours. Et j’étais encore allée l’écouter au Festival Interceltique il n’y a pas si longtemps : ce conteur avait déjà plus de 70 ans au compteur. Aucun doute, qu’il a contribué à mon intérêt pour le conte, et pour le métier que j’exerce aujourd’hui. J’ai d’ailleurs quelques-uns de ses livres dans ma bibliothèque.

Il était encore en train de préparer un nouveau spectacle, qui ne verra jamais le jour. Bon vivant, et débordant d’énergie, il ne s’arrêtait jamais, même avec une jambe plâtrée !

Parmi les disques de mon frère, j’aimais particulièrement écouter celui des « veillées mortuaires », qu’est-ce qu’on rigolait en l’écoutant ! En voici un petit extrait : https://www.youtube.com/watch?v=ALv92po9_g8

Les funérailles ne sont plus ce qu’elles étaient, Brassens le regrettait déjà en 1960. Ca ne s’est pas arrangé avec le covid…qui d’ailleurs est le grand coupable de cette disparition. C’est toujours triste, pour les proches, et pour tous ceux qui appréciaient son travail. La meilleure chose qu’il nous reste à faire, c’est de boire un coup en sa mémoire !

Salut Lulu…

Le conteur groisillon, poète, diseur de songes, s’en est allé à l’âge de 77 ans. Emporté par le Covid.

Une mentouse en bronze

« 44e Bogue d’Or de Redon », concours de menterie.

Après avoir passé les présélections, ma menterie a été retenue parmi 57 histoires, pour la finale le 25 octobre 2019. Le thème imposé cette année : « vous êtes maire d’une commune dont vous présentez les mesures entreprises et projets à venir pour dynamiser le centre-bourg. »
Le principe d’une menterie, c’est de nager en plein délire : plus les bobards sont gros, plus c’est drôle, et plus la menterie est réussie. En pays gallo, les spécialistes de ce type d’histoires sont des « mentous », ou des « mentouses ».

Ma menterie est partie sur l’idée que face à la désertification des campagnes, mon conseil municipal a eu l’idée de transformer l’église (devenue inutile depuis le départ du curé) en éolienne, afin de fournir une électricité bon marcher aux habitants, et inciter d’autres à venir s’y installer. Mais problème à la livraison de l’éolienne : les pales sont plus longues que la hauteur du clocher…problème résolu en les installant à l’horizontale. Le vent a soufflé ; l’éolienne a tourné, et l’église s’est…envolée !!!


Et me voilà partie à raconter les péripéties de cette petite commune, devenue la première au monde à être dotée d’une « égliz’coptère » ! Une curiosité soumise aux caprices du vent…avec moultes catastrophes à gérer pour la maire que j’étais le temps de cette menterie…mais le but est atteint : redynamiser le bourg.

L’autre but a été atteint aussi : on a bien rigolé ! C’était une excellente soirée…animée par Calixe et Armel.

Si le concours de menteries existe depuis longtemps à Redon, pour la première fois, les membres du jury furent choisi parmi des experts en matière de « menteries municipales » : 5 maires du pays gallo m’ont attribué la Bogue de Bronze.

La soirée a aussi été marquée par un hommage à une figure locale, décédée en mars dernier. Gigi Bigot a conté en gallo…un privilège toujours aussi savoureux.

Education par le conte (vidéo du CNRS)

Devenir pleinement humain : apprendre à écouter, à s’exprimer, et à raisonner. Vidéo du CNRS sur Suzy PLATIEL, ethno-linguiste africaniste. Comment les enfants deviennent-ils Adultes dans les sociétés de tradition orale (sans aucun écrit) ? Comment recréer du lien social grâce à l’oralité des contes dans notre société ?

J’ai vu cette vidéo. Non, je dirais plutôt : j’ai vu cette pépite ! J’ai écouté cette perle ! Ecoutons, méditons, et partageons… « une seule bougie peut en allumer des milliers d’autres, et continuer à brûler, sans devoir s’éteindre d’avoir autant partagé sa flamme. » La Parole est ainsi, les contes sont ainsi, comme les flammes d’innombrables bougies, placées sur notre chemin de vie pour éclairer notre passage. Cette vidéo est une réponse à cette question incroyable : « pourquoi le conte reste-t-il encore si important dans notre société numérique, individualiste et productiviste ? » On pourrait le croire puérile, futile et inutile…il est essentiel et d’autant plus d’actualité, pour créer du lien social entre chacun d’autre nous, mais aussi « entre soi et Soi ».

Suzy Platiel, en tant que linguiste, part en 1967 à la rencontre d’un peuple de Haute Volta (devenu depuis le Burkina Fasso), les Sanan. Sa mission : transcrire leur langue par écrit. Chez les Sanan, personne ne sait ni lire, ni écrire. C’est ce qu’on appelle « une société de tradition exclusivement orale ». Dès son arrivée, elle comprend que l’écriture ne leur apportera rien en matière d’éducation. Ces analphabètes savent réfléchir et s’exprimer brillamment…dès le plus jeune âge. Comment apprennent-ils cela si bien et si jeune ? L’éducation se fait par les contes : à écouter et à dire.

De retour en France, elle publie les contes collectés là-bas. Elle se rend dans les écoles pour permettre aux enfants d’acquérir ce qu’il manque tant dans notre propre éducation basée sur l’écriture : apprendre à se concentrer, à écouter, à raisonner sur l’enchaînement d’une trame, et bien sur, à prendre la parole, à exprimer sa pensée, à être écouté, à créer et partager les oeuvres collectives que sont les contes, à interagir avec l’auditoire… « comment un enfant peut-il écrire correctement, s’il n’est pas capable de formuler verbalement sa pensée ? » La Parole est le préalable indispensable à tout le reste…

Bon visionnage…(environ 30 minutes…d’une richesse fantastique !)

https://videotheque.cnrs.fr/doc=4095?fbclid=IwAR3yRKKyVuTKV-7a5fzMsJ1aqRqjg5t5v6Q1eTX6jfDUcHIV-NDfSbGt_RY %

Voeux 2019

L’avez-vous remarqué ? Chaque année, on célèbre en grande pompe la naissance de la nouvelle année. Mais l’année 2018 est « mourrue » le jour de son anniversaire, à tout pile un an…anniversaire que personne ne lui a souhaité. On ne fête que sa fin, et la naissance de la suivante…comme à chaque fois.

2018 n’est plus, vive 2019 !

C’est la saison des bilans de l’année. Mon bilan de 2018 est plein de bonheurs : un changement de métier salutaire s’est produit. Tant et tant de plaisirs pour moi d’organiser et accomplir toutes ces racontées, ces balades contées. Je termine tout juste la dernière balade contée nocturne de Noël, c’était tout à l’heure au Bois du Merdy (Hennebont). Une trentaine de personnes sont venues marcher, écouter les histoires et chanter…les enfants ont escaladé les rochers du Merdy en écoutant le conte de Noël « Les Pierres de Plouhinec », ils ont marché dans le bois la nuit, après avoir entendu l’histoire de « La Trève de Noël », où Petit Mouton se perd dans la forêt, la nuit de Noël…et y rencontre le loup. Que des plaisirs partagés…le plaisir de dire les contes, celui de les écouter, celui de marcher ensemble, de discuter et faire connaissance, de chanter « Vive le vent » ou « Douce Nuit ». Merci à tous pour ces instants…

Et que souhaiter pour 2019 ? La santé, évidemment…j’ai rendu visite dernièrement à plusieurs amies-amis ayant eu divers ennuis de santé plus ou moins graves : cancer, fracture, infarctus…et dans quelques jours, je vais à un enterrement…celui d’une grande conteuse que j’ai rencontrée en juillet dernier pour la première fois (et donc, pour la dernière aussi, hélas) : Fiona MacLeod.

Inspirée par ce site web et sa phrase d’accueil : « Le jour se lève au Pays des Rêves », je vous présente mes voeux pour 2019, illustrés par une photo prise ce matin même aux alignements de menhir de Kerzerho, à Erdeven.

 

Que mille levers de Soleil illuminent vos rêves à concrétiser en 2019.

 

 

Contes et Sciences

Ce week-end, j’ai reçu un courriel de François sur l’Imagination et la Raison. Ca m’a rappelé que j’avais écrit un article il y a quelques mois déjà sur l’apparente opposition entre la Science et le Conte, après avoir lu un petit livre scientifique, très intéressant, qu’une amie conteuse m’avait prêté…

Carlo ROVELLI, « Sept brèves leçons de physique », Editions Odile Jacob.

Merci à Sylviane Guittoneau de m’avoir prêté cet excellent petit livre dont voici un extrait (page 79) :

« Lorsque nous parlons du Big-Bang ou de la structure de l’espace, ce que nous faisons n’est pas la continuation des récits libres et fantastiques que les hommes se sont racontés autour du feu lors de veillées depuis des centaines de milliers d’années. C’est la continuation d’autre chose : du regard de ces mêmes hommes, aux premières lueurs de l’aube, qui cherchent dans la poussière de la savane les traces d’une antilope – scruter les détails de la réalité pour en déduire ce que nous ne voyons pas directement, mais dont nous pouvons suivre les traces. Avec la conscience que nous pouvons toujours nous tromper, et donc être prêts à tout instant à changer d’idée si apparaît une nouvelle trace, mais en sachant aussi que si nous sommes bons, nous comprendrons bien et nous trouverons. Voilà ce qu’est la science.

La confusion entre ces deux différentes activités humaines – inventer des récits et suivre des traces pour trouver quelque chose – est à l’origine de l’incompréhension et de la défiance envers la science d’une partie de la culture contemporaine. La séparation est mince : l’antilope chassée à l’aube n’est pas loin du dieu antilope des récits de la veillée. La frontière est fragile. Les mythes se nourrissent de science et la science se nourrit de mythes. Mais la valeur cognitive du savoir demeure : si nous trouvons l’antilope, nous pouvons manger. » (Carlo ROVELLI est notamment directeur de recherche au Centre de physique théorique de Marseille-Luminy)

Très beau texte, n’est-ce pas ? Les scientifiques aussi peuvent avoir une belle plume.

Et je suis d’accord avec Monsieur Rovelli : « les mythes se nourrissent de science et la science se nourrit de mythes »… « la séparation est mince ». Mais j’irais plus loin, j’oserais même dire qu’il n’y a pas de séparation entre les deux.

Monsieur Rovelli, avez-vous déjà mangé une étoile ? Peut-on manger les étoiles ? Les antilopes, oui. Mais si mon ventre cri famine, vais-je pouvoir me nourrir d’étoiles ? Comment se déroule une chasse stellaire ? Et une fois l’étoile capturée, comment la tuer ? Quel goût ça a ? Trouve-t-on des recettes culinaro-stellaires sur le web ? Des restaurants (étoilés) en proposent-il à leurs menus ?

Il est tout à fait possible de se nourrir d’étoiles. Personnellement, en tout cas, je préfère largement dévorer l’une d’entre elles plutôt qu’un steack d’antilope. Le steack remplit l’estomac. Les étoiles nourrissent le Coeur. Ce n’est pas le même organe…

A la Réunion, les contes sont appelés « manger pour coeur », et l’ex(cellente) conteuse Gigi Bigot en a même fait le titre de sa recherche (scientifique) à propos de l’impact du langage symbolique sur les personnes en situation précaire.

Les Etoiles nourrissent les Rêves…

Et les Rêves sont indispensables à notre Humanité.

La science a démontré que les animaux rêvaient pendant leur sommeil. Mais rêvent-ils éveillés, comme nous ? Rêvent-ils de devenir un champion, un roi ou un cosmonaute ? Se racontent-ils des histoires le soir avant de s’endormir, pour nourrir leurs rêves nocturnes ?

Depuis longtemps, les humains cherchent « quel est le propre de l’homme ?». Et à chaque proposition les animaux nous montrent qu’ils ont les mêmes particularités que nous, parfois en mieux ! Ils rient. Ils chantent. Ils créent des oeuvres artistiques. Ils ont des langages très sophistiqués. Ils ressentent les mêmes émotions que nous, avec la même richesse. Ils ressentent les souffrances et le bien-être, même si leur système nerveux est très différent du nôtre. Ils sont capables d’avoir conscience d’eux-mêmes, de méditer, de pratiquer des rites funéraires et d’avoir des raisonnements abstraits ! Ils sont même capables de viols collectifs et de génocides…

Mais peut-être que le propre de l’Humanité serait cette capacité à partager nos rêves à travers des récits. Peut-être ? Car les animaux seraient bien capables de nous démontrer qu’ils le font aussi, et même mieux que nous !

En réalité d’où viennent les contes ?

Tous les contes, sans exception, tous sont inspirés de faits réels, d’observations, ils « suivent des traces » comme le dit si bien Monsieur Rovelli en parlant de la science. Les contes seraient apparus pour répondre aux questions existentielles que se sont posés les premiers humains : d’où venons-nous ? Et d’où vient tout ce qui nous entoure ? Les premiers contes expliquaient le monde, grâce aux observations des premiers humains. C’est finalement une démarche totalement scientifique que d’expliquer le monde, en inventant une histoire. On observe des étoiles dans le ciel : comment sont-elles arrivées là ? De quoi sont-elles faites ? Sont-elles vivantes comme nous ?

Les littératures orales traditionnelles sont d’une richesse ahurissante concernant l’apparition de la Lumière, l’origine du Soleil, de la Lune et, bien sûr, des Etoiles. Toutes les civilisations humaines ont leur version…il y en aurait une infinité !

Ces contes sont dits « étiologiques ». L’étiologie est bel et bien une science ! Selon mon dictionnaire (Petit Larousse), du grec aitia (cause) et logos (science). « C’est l’explication des causes, des origines et des significations d’un phénomène naturel, d’un nom, d’une institution, d’une maladie, etc…en s’appuyant sur certains faits réels, ou éventuellement mystiques ».

Lorsque l’état des connaissances ne permet pas de tout bien expliquer, les mythes complètent ces lacunes pour rendre l’ensemble cohérent. Puis au fil des siècles, les progrès scientifiques ont comblé ces lacunes, démystifiant bien des convictions. Les mythes sont ce que la science n’a pas encore expliqué. Mais la science est loin d’avoir tout expliqué. Les frontières de la connaissance progressent quotidiennement. Mais toujours, il reste des questions à se poser pour aller plus loin, de façon exponentielle : une question résolue en apporte 10 autres encore plus insolubles ! Et en attendant que tout soit complètement expliqué et compris, l’Univers conserve sa part de mystère. Il garde quelque chose de mystique au fond de Lui. Il est même très possible que jamais la Science ne réussira à tout expliquer. Elle devra donc éternellement côtoyer les mythes…car « les mythes se nourrissent de science et la science se nourrit de mythes ». CQFD…

Je m’arrête là ? Allez, un petit bonus.

Dans ce petit livre, Monsieur Rovelli retrace bien l’évolution des croyances concernant la perception du monde qui nous entoure.

Au début, la Terre était en bas et le Ciel était en haut, la Terre étant plate. Puis les Humain ont compris que la Terre est ronde, et que le Ciel l’entoure, avec la Lune, le Soleil et les Etoiles qui tournent autour. Ensuite, l’égocentrisme humain a pris une claque en comprenant que c’est la Terre qui tourne autour du Soleil, et non l’inverse ; le Soleil tourne au sein de la Voie Lactée, elle-même n’étant qu’une galaxie parmi une myriade d’autres galaxies ! Et voilà maintenant qu’on apprend que le Cosmos n’est pas uniformément homogène, mais qu’il ondule, il forme des vagues…tout en gonflant comme un gâteau en pleine cuisson !

Tout le monde peut le constater : la Terre est en bas et le Ciel est en haut, à perte de vue, comme sur un plateau géant…on le voit avec nos yeux. Nos sens ne perçoivent pas la rontodité de la planète. Il a donc fallut de l’imagination pour concevoir cela. On a fait le tour du monde, on en a tracé des cartes en forme de globe terrestre, puis les humains ont pu aller dans l’Espace pour contempler la Terre dans toute sa rondeur : ce n’est que là, enfin, que certains ont pu voir de leurs propres yeux cette réalité. Les cosmonautes nous ont rapporté de superbes photos et vidéos (n’est-ce pas Thomas Pesquet ?). Les télescopes de plus en plus puissants et des appareils de mesures de plus en plus sophistiqués nous permettent de percevoir l’Univers d’une façon de plus en plus précise et lointaine à la fois. Mais malgré les photos, malgré tous ces savants calculs et toutes les théories qui se confirment ou s’infirment…à chaque fois, en plus, il en faut de l’Imagination pour concevoir l’Univers tel que les scientifiques nous le présentent.

Imaginez un gâteau qui gonfle pendant sa cuisson, tout en formant des vagues comme la mer…hum hum. L’Univers ainsi décrit ne requière-il pas autant d’imagination que lorsqu’on écoute un bon conte étiologique sur la naissance des Etoiles ?

Les scientifiques eux-mêmes se doivent d’avoir une bonne dose d’imagination pour élaborer leurs théories, concevoir leurs expériences et en interpréter les résultats.

Lorsqu’ils parlent du Big-bang ou de la structure de l’espace, ce qu’ils font est exactement la continuation des récits libres et fantastiques que les hommes se sont racontés autour du feu lors de veillées depuis des centaines de milliers d’années…depuis tout ce temps, nous n’avons toujours fait que suivre les traces de ce que nous réussissions à percevoir du monde dans lequel nous vivons. Grâce aux machines, nos moyens de perception se sont grandement améliorés. Mais l’Humain a gardé cette faculté essentielle : il nous reste l’Imagination pour continuer à suivre ces traces.

Les Contes nourrissent l’Imagination. Et l’Imagination nourrit la Science.

Bon appétit !

Il y a quoi au menu ? Des étoiles, évidemment !

Salade de contes, soupe d’étoiles, et en dessert, une mini-histoire que voici :

 

« Dans une prison, deux détenus sont assis cote-à-cote. Ensemble, ils regardent par la petite lucarne de leur cellule.

L’un pleure. L’autre sourit.

L’un regarde les barreaux. L’autre regarde les étoiles. »